Il y avait, hier à Marseille, une ambiance étrange lors de la présentation de la dernière saison préparée par Macha Makeïeff à La Criée, dévoilée à la presse le matin et le soir au public. Une de ces ambiances qui disent à la fois une fin et une nouvelle aventure. “Faire une dernière programmation, ça paraît à la fois irréel, on sent un peu de vertige, et déjà l’excitation de la suite se fait sentir”, soufflait Macha Makeïeff à l’issue de l’exercice. Ce relais, c’est aussi le génie du théâtre public : nous les artistes, nous ne sommes pas des notables, même si tout va bien, il faut aller voir ailleurs et c’est très bien”.
Nommée à La Criée en 2011, elle a raconté avoir reçu alors un message de celui qui l’a créée, Marcel Maréchal, prophétisant notamment que le double MM de leurs initiales communes portait bonheur dans ce théâtre face à la mer. À son tour, elle a souhaité qu’il en soit de même pour le double RR de Robin Renucci, qui prend la direction de La Criée le 1er juillet.
“On a changé le théâtre, changé ses habitudes, on a probablement déplacé le modèle du centre dramatique national, résumait-elle. J’ai changé par l’accompagnement d’autres artistes. Sur le plan humain, s’occuper des gens, les accueillir quotidiennement, oui, ça m’a changée. Après mon beau souci, c’est le public, et ça l’a été pendant onze ans : aller le chercher toujours plus loin, l’étonner par des esthétiques très différentes…”
Née à Marseille où elle a passé son adolescence, Macha Makeïeff y revenait deux ans avant la Capitale européenne de la Culture. “C’était très étrange, confie-t-elle. C’était comme revoir quelqu’un qu’on aurait aimé et que l’on ne reconnaissait plus tout à fait. En travaillant beaucoup, parce que j’avais préparé ce projet pendant plus d’un an, et en étant sur le terrain, car j’avais encore ici de la famille et des amis, il m’a semblé que je ressentais cette ville pour laquelle j’ai fait ce projet, pour ce théâtre. C’était aussi un moment d’émancipation, car je quittais quelque chose de très confortable et un tandem artistique qui avait été extrêmement heureux et que je me retrouvais à la tête d’une grande maison, face à mon propre travail artistique”. La suite, Macha Makeïeff va l’écrire avec sa compagnie Mademoiselle qui combinera théâtre et arts plastiques, avec toujours, un travail de transmission dans les écoles d’art.
À quelques jours de sa prise de fonction, Robin Renucci saluait ainsi le bilan de Macha Makeïeff : “C’est une histoire merveilleuse qu’elle a liée avec ce théâtre… C’est un beau travail qui a été fait avec des équipes que je trouve très soudées, dans une relation très forte avec le public très nombreux… Il faut passer de cette fantaisie à une joie encore plus grande. Notre mission de service public est d’élargir ce public de sorte que toutes et tous puissent avoir droit à ce lieu et que nous fortifions les échanges avec les Marseillaises et les Marseillais, et au-delà, pour que le théâtre de La Criée rayonne encore plus”.
Dès le mois de janvier, le travail de Robin Renucci (qui sera cet été au Festival d’Avignon, dans le Off, avec sa mise en scène de Andromaque au Chêne Noir) sera à voir à La Criée : Oblomov d’après le roman d’Ivan Gontcharov qu’il met en scène, du 5 au 8 janvier. “Il raconte comment un homme ne veut plus sortir de chez lui… Ensuite, je voulais donner ce temps de plateau à une femme, Julie Berès avec La Tendresse, un beau travail autour de la masculinité, comment des jeunes gens parlent des femmes” (du 11 au 14 janvier).