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Un “marathon de la biodiversité” dans les vignes de Châteauneuf-du-Pape


Pour faire revenir les insectes, oiseaux, chauves-souris et rongeurs dans les vignes, les viticulteurs de Châteauneuf-du-Pape se sont lancés dans un “marathon de la biodiversité”. Ils souhaitent planter au moins 42km de haies autour des vignes.

C’est la fin de l’hiver au Domaine de Beaucastel. La vigne a perdu ses feuilles, la terre est sèche, des champs semblables s’étendent à perte de vue. Mais le vignoble a décidé de changer de paysage. Depuis deux ans, 1,5km de haies sont plantées le long de l’exploitation. Dix espèces locales ont été sélectionnées : des romarins, des cistes blancs, des cyprès, du laurier tin ou encore des micocouliers.

L’ambition est multiple : d’abord, les haies créent un corridor de biodiversité, qui accueille des oiseaux, des rongeurs, des chauves-souris, pour lutter contre les ravageurs de la vigne. « Une chauve-souris va être en capacité de manger plusieurs kilos d’insectes par nuit. Elle ne se déplace au radar que si elle a des obstacles tous les 10 mètres. S’il n’y a pas d’obstacles comme par exemple des arbres, elle va faire demi-tour. En plantant des haies, on augmente son aire de circulation”, détaille Arnaud Million, directeur technique de Cérès Flore, l’entreprise qui fournit les haies aux viticulteurs.

“Historiquement, nous travaillons en agriculture biologique, précise Valentin Castaneda, chef de culture au château de Beaucastel. Nous n’utilisons pas d’intrants chimiques. Mais avec des auxiliaires de culture tels que la chauve-souris, on peut réguler la présence d’insectes ravageurs davantage qu’avec des insecticides ou de la confusion sexuelle. On le fait de façon plus durable et pérenne”

La présence de haies améliore aussi les conditions climatiques dans la vigne : « Une haie de trois mètres de haut protège une parcelle du vent sur cinquante mètres. Et elle protège du gel sur 30 mètres », précise Florence Blanchet, animatrice développement technique et durable au sein de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) Châteauneuf-du-Pape.

Les haies doivent également limiter l’érosion, épurer l’eau et les sols (en absorbant le nitrate par les racines), et stocker le dioxyde de carbone. L’enjeu est aussi esthétique : en hiver, la verdure revient dans les vignes grâce à la plantation de certaines espèces au feuillage persistant.

Le projet, baptisé « marathon de la biodiversité », a été initié en 2021 par les Jeunes Vignerons de Châteauneuf-du-Pape. Au programme, pas de course à pied mais au moins 42km de haies plantées le long des vignes. Trente et un domaines sont engagés dans ce « marathon » et une quinzaine de kilomètres de haies et d’arbres isolés ont déjà été plantés.

L’ODG centralise les demandes, pour permettre aux vignerons de bénéficier de tarifs dégressifs sur l’achat des plans, elle travaille en collaboration avec l’entreprise Cérès Flore, qui collecte des végétaux dans les forêts des alentours, pour s’assurer qu’elles sont suffisamment rustiques pour s’implanter durablement le long des vignes en demandant un minimum d’entretien et quasiment pas d’arrosage. La Chambre d’agriculture du Vaucluse apporte son expertise, notamment dans le choix des espèces ou des lieux d’implantation.

Avec ce projet, la viticulture se réinvente : “Dans la plupart des cas, quand on plante des haies, on est obligés d’arracher des vignes, notamment pour laisser des espaces permettant aux tracteurs de manœuvrer, reconnaît Valentin Castaneda. Mais il faut savoir que par le passé, pour planter des vignes et faciliter le passage des machines, on a arraché des arbres.”

Au sein de l’appellation Châteauneuf-du-Pape, un hectare de vigne coûte 450.000€ en moyenne. Sur l’ensemble de la France, le coût moyen est de 54.000€.

“Si on arrache un demi hectare de Châteauneuf, cela coûte vite quelques centaines de milliers d’euros, ce n’est pas négligeable”, détaille le chef de culture. “Mais si aujourd’hui on considère qu’il est beaucoup plus important d’avoir des arbres que de travailler toujours plus vite avec plus de rentabilité, peut-être qu’on peut adapter notre manière de faire. En ayant par exemple des tracteurs plus courts. On peut tout imaginer !”